Qu’est-ce que la rééducation sensitive des douleurs neuropathiques ?
Comprendre les douleurs neuropathiques : ce qu’il se passe dans le corps et dans le cerveau
Quand des nerfs sont endommagés ou irrités — par exemple après un traumatisme, une chirurgie, une compression répétée, une infection (zona), une maladie (sclérose en plaque, AVC, diabète) — ils peuvent envoyer des signaux anormaux. Cela peut se manifester par une hypoesthésie (diminution des sensations) ou un engourdissement dans une zone donnée ; ou au contraire par des douleurs qu’on n’attend pas, comme l’allodynie, c’est-à-dire de la douleur provoquée par un toucher léger, normalement inoffensif.
Hypoesthésie et engourdissement
Quand on parle d’hypoesthésie on décrit une baisse de la capacité à sentir : par exemple une main ou un pied peuvent sembler « engourdis », comme s’ils étaient protégés par une pellicule. Ce manque de repères sensoriels peut compliquer les activités quotidiennes : on ne sent pas bien la poignée de la tasse, le contact du sol sous le pied, ou encore la pression d’un vêtement.
Allodynie et douleur au toucher
À l’inverse, il arrive que le toucher léger déclenche une douleur « anormale ». Ce phénomène d’allodynie crée une hyper-sensibilité où un simple drap posé sur la peau devient une source de douleur. Cela peut devenir une source de grande frustration, car l’environnement habituel (linge, fauteuil, surfaces) devient menaçant.
Combinaisons possibles : plus d’un mécanisme à la fois
Ces phénomènes ne sont pas mutuellement exclusifs. On peut très bien vivre simultanément de l’hypoesthésie dans une zone et de l’allodynie dans une autre ou à un autre moment. Par exemple, un pied peut être engourdi mais, à certains endroits plus superficiels, une brise ou un contact léger déclenche une douleur vive. La complexité des signes rappelle que chaque vécu est unique. C’est pourquoi la rééducation doit être flexible et personnalisée.
La neuroplasticité : l’espoir du changement
Bonne nouvelle : le système nerveux n’est pas figé. Le cerveau et la moelle épinière ont la capacité de se « ré-organiser ». Ce phénomène, appelé neuroplasticité, signifie que des interventions appropriées peuvent aider à modifier les circuits de douleur, améliorer la reconnaissance sensorielle et diminuer l’hyper-réactivité. On passe d’un système nerveux « réactif » à un système plus « apprivoisé ». Ce n’est pas instantané, mais possible avec un accompagnement adapté.
Pourquoi ça fonctionne ?!
Les nerfs sont composées de milliers d’axones comme des fils électriques pour transmettre l’information entre le cerveau et le corps. Quand les axones sont atteints, les autres axones sains peuvent « bourgeonner » pour remplacer les axones atteints. C’est le phénomène de neuroplasticité!
Interventions en ergothérapie : ce que je propose
Voici quelques interventions concrètes :
Rééducation sensorielle : travail guidé sur la conscience des sensations (texture, température, pression) dans un cadre sécurisant. On peut utiliser des matériaux variés (tissus, bouchons de caoutchouc, brosses douces) pour réintroduire du contact sans provoquer d’allodynie, puis graduellement augmenter la tolérance.
Reprise d’activités significatives : on identifie des occupations importantes pour la personne (par exemple : cuisiner, jardiner, jouer avec des enfants) et on adapte la façon de les réaliser pour respecter le seuil de tolérance sensorielle, en modifiant la fréquence, la durée, la posture ou les outils.
Ajustement de l’environnement : on aménage l’espace pour limiter les stimuli nocifs (contacts répétitifs, surfaces dures, vêtements irritants) et favoriser des contacts agréables ou neutres.
Éducation et co-gestion : j’aide la personne à comprendre son système nerveux, à reconnaître ses signaux de tolérance et à établir un plan de reprise graduelle. On collabore aussi avec d’autres professionnels (physio, médecin, psychologue) si nécessaire.
Travail progressif et respectueux : on avance doucement, avec des paliers. On valorise chaque amélioration, même minime ; ces progrès renforcent la confiance.
Conclusion
Les douleurs neuropathiques peuvent être invalidantes, mais elles ne sont pas une fatalité. Grâce à la neuroplasticité et à une approche en ergothérapie adaptée, il est possible de redonner du sens au toucher, de reprendre des occupations importantes et d’aménager un quotidien plus confortable. Chaque situation est unique : l’important, c’est d’avancer à votre rythme, avec des objectifs qui vous tiennent à cœur.
Si vous ou un proche vivez ce type de douleurs, je vous invite à me contacter pour discuter de comment je peux accompagner cette rééducation sensorielle et occupationnelle, en clinique à Neuville.
Pour en savoir plus :
www.neuropain.ch
Spicher, C. Barquet, O. Quintal, I. Vittaz, M. et Knaut, S. (2020). Douleurs neuropathiques : évaluation clinique et rééducation sensitive (Éd. 4). Sauramps Médical.
Spicher, C. (2017). DOULEURS NEUROPATHIQUES: NON, ce n’est pas dans la tête. Tribune De Genève, 15–15.